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Fiche pratique 1/5 : Le Franchissement Urbain Pleyel (FUP) et la ZAC Pleyel

Le quartier Pleyel de Saint-Denis va accueillir plusieurs projets, souvent liés aux JO, d'ici à 2024. L'information fournie par les institutions est confuse. Notre collectif de citoyens fait le clair dans ses fiches pratiques, dont voici le premier numéro, consacré au FUP et à la ZAC Pleyel.

C’est quoi le FUP et la ZAC Pleyel ?

La nouvelle gare Saint-Denis Pleyel du Grand Paris doit être mise en service au printemps 2024. Selon Le Parisien, elle doit accueillir 250 000 voyageurs par jour, avec l’arrivée des lignes 14, 15, 16, 17 et le RER D. Budget prévisionnel : 38 milliards d’euros (source : JSD, 2018)

Ce projet va être complété par le “Franchissement Urbain Pleyel”, dit FUP, qui est une passerelle au-dessus des voies ferrées pour relier la gare du RER D ainsi que le stade de France à la future nouvelle gare et au quartier Pleyel-Landy.

FUP_StDenis

La maîtrise d’ouvrage est aux mains de Plaine commune (c’est-à-dire de nos élu.e.s) sur ce projet qui comprendra des voies pour les piétons, les cycles, les voitures et pour bus au centre, mais aussi un bâtiment-pont.

FUP coupe de profil
Le FUP en coupe. Source : présentation du projet en conseil municipal de la ville de Saint-Denis.

 

Le FUP et son
Le FUP et son « bâtiment-pont ». Source : présentation du projet en conseil municipal de la ville de Saint-Denis.

Aux dernières nouvelles, le projet était budgété à un peu plus de 188 millions d’euros (source : Les Echos, le JSD, 2018). Les financements sont aujourd’hui bouclés avec 40 millions d’euros finalement apportés par la Région Ile-de-France en mars 2021. Voici la répartition des financeurs :

Beaucoup de financements publics sont agrégés pour construire le FUP qui coûtera un peu plus de 188 millions d'euros.
Beaucoup de financements publics sont agrégés pour construire le FUP qui coûtera un peu plus de 188 millions d’euros. Source : Les Echos, Le Moniteur.

Le FUP et la gare sont accompagnés d’un projet de densification de l’urbanisation, la ZAC Pleyel.

Périmètre de la futur ZAC Pleyel - Source : Source : pièce B - note synthétique de présentation du projet, page 5 dans l'enquête publique de création de la ZAC Pleyel à Saint-Denis (intutulée
Périmètre de la futur ZAC Pleyel – Source : Source : pièce B – note synthétique de présentation du projet, page 5 dans l’enquête publique de création de la ZAC Pleyel à Saint-Denis (intutulée « B-PVE_Notesynthèseprojet (975 Ko) »

Au programme sur 310 000 m2 : 155 000 m2 de bureaux ; 80 000 m2 de logements, dont 30 à 40 % de logements sociaux ;  36 000 m2 d’équipements collectifs ; 25 000 m2 de commerces et d’hôtellerie. 14 000 m2 réservés à la “culture et à la création”. 26 000 m2 ne sont pas spécifiés. Soit :

Programmation de la future ZAC Pleyel_SourceDossierEnquêtepublique
Source : pièce B – note synthétique de présentation du projet, page 5 dans l’enquête publique de création de la ZAC Pleyel à Saint-Denis (intitulée « B-PVE_Notesynthèseprojet (975 Ko) »

Fait partie des projets de la ZAC le groupement “Les Lumières de Pleyel”, lauréat de l’appel à projet “Inventons la Métropole du Grand Paris”, concours organisé en 2016 par ladite MGP.  Représenté par la société Sogelym Dixence, le groupement “Les Lumières de Pleyel” consiste en 176 000 m2 d’offre de “logements mixtes” (dont “40 % de logement sociaux”) avec “une programmation culturelle et créative importante localisée dans les rez-de-chaussée des nouvelles constructions” ; un parc de 13 000 m2 (1,5 hectare) est également annoncé.  Une partie de ces logements seront vendus en “propriété à vie”.

Vous pouvez retrouver la présentation complète de ce projet sur le site de la mairie de Saint-Denis. Vous pouvez également consulter le dossier de l’enquête publique.

Comment ce projet est vendu ? 

La mairie de Saint-Denis et Plaine commune défendent ce projet comme un “accélérateur de projet urbain”, au coeur du réseau de transport du Grand Paris Express. Ces deux institutions soulignent volontiers le développement massif de l’offre en transport en commun et de commerces bienvenus dans un quartier qui va doubler sa population d’ici 2024 (vers 20 000 habitants), notamment via la construction de logements. Elles parlent d’un projet qui vise à “renaturer le quartier”, avec une programmation “diversifiée”.

Pourquoi c’est plus compliqué en réalité

D’une part, l’étude d’impact du projet admet qu’il va augmenter de 1 à 2% les pollutions sur un quartier actuellement soumis à des risques pour la santé humaines (liées aux pollutions de l’air) jusqu’à 20 fois supérieurs aux normes recommandées par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). À cause, notamment d’un « rabattement » de toutes les voitures sur le Carrefour Pleyel qui entraînera par ricochet l’augmentation des circulations dans les rues résidentielles adjacentes.

Ensuite, les programmes immobiliers tels qu’ils sont actuellement conçus laissent à penser qu’ils ne profiteront pas aux habitants de la ville ni du département, mais bien aux bourses plus favorisées dans un mouvement de gentrification, assumé par les élus. Or, notre ville est grevée par le logement insalubre : 1 logement est insalubre sur 5 à Saint-Denis, deux sur cinq dans le centre-ville, explique Le Parisien, en novembre 2019. En conséquence, les demandes de logements dans notre ville dépassent déjà le parc disponible.

Et bien au-delà de ce phénomène, les programmes immobiliers semblent pensés pour permettre la pure spéculation immobilière. Un exemple : le projet immobilier “Les Lumières de Pleyel”. De ce que nous avons compris, une partie des logements construits seront vendus en “propriété à vie” par le groupe La Française, société de gestion d’actifs (un fond d’investissement). C’est à dire que vous achèterez à cette société votre logement 30 à 40 % (annoncés) en dessous des prix du marché ; en échange vous serez propriétaire de votre bien jusqu’à votre décès. Le logement revient alors à la Française, qui peut de nouveau le mettre en vente, vous le comprenez, plusieurs fois.

L’idée ne serait pas si mauvaise si :

  • le propriétaire du terrain restait la commune ou dans le domaine public (par exemple Plaine Commune Habitat) ;
  • la sous-location de ces biens était interdite ;
  • si le prix était 60 % moins cher que les prix du marché, pour réellement toucher un public en incapacité d’acheter sur le marché classique ;
  • si on soumettait l’acquisition de ces biens à des conditions de revenus, comme pour le logement social ;
  • l’on parlait d’une « location longue durée » et pas de « propriété à vie » afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour l’investisseur (on ne peut d’ailleurs pas parler d’acheteur) ;

En résumé, sous couvert d’accession à la propriété pour les ménages les moins aisés, donc d’une mesure qui se voudrait sociale, des ménages achèteront un droit d’usage de leur logement, qu’ils ne pourront pas transmettre. Le dispositif permet en outre la sous-location et donc, attirera les spéculations immobilières, déjà largement problématiques à Saint-Denis, qui compte de nombreux marchands de sommeil.

D’autre part, ces programmes comprennent énormément de construction de bureaux. Par exemple, ils comptent pour près de la moitié des infrastructures de la future ZAC Pleyel. Mais ces bureaux risquent de devenir ou de créer des « friches tertiaires » vides, liées à une « sur-offre ». C’est l’alerte faite en juillet 2019 par la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA), et le phénomène s’amplifie avec la crise du COVID. Dans une note semestrielle de l’ORIE (Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise en Île-de-France), publiée en juillet 2018, une étude faisait état d’entre 40 000 et 1 000 000 de mètres carrés de surface de bureaux vacantes depuis plus de quatre ans au printemps 2017 à Saint-Denis (chiffres confirmés début 2020 par la DRIEA).
Certes, la nouvelle offre de transport peut attirer plus d’entreprises mais notons que la création de ces pôles tertiaires contribuent grandement aux émissions liées aux activités humaines donc à la dégradation locale et globale de notre environnement, sans garantie qu’ils contribuent à une réelle activité économique.

Enfin, le projet de FUP est marketé par les institutions, notamment la mairie de Saint-Denis, comme “donnant la priorité aux mobilités actives et au transport en commun” (vélos, piétons, bus). C’est faux : les cyclistes sont pris « en sandwich » entre la voie piétons et la voie routière. Les aménagements présentés (avec des plans très confus) ne sécurisent pas la voie cyclable et vont jusqu’à enfreindre la loi LAURE (d’aménagement des pistes cyclables), explique l’association Paris en Selle.
Cette nouvelle voie génère de plus un trafic routier supplémentaire et donc des pollutions. Le projet ne prend pas du tout en compte la demande des citoyens réduire la pollution et les nuisances sonores dans une zone déjà saturée au-delà des seuils autorisés/recommandés par l’OMS.

Pour finir, ce projet crée un grave problème de mobilités actives et accessibilité PMR (personnes à mobilités réduites). En passant à 5 mètres de hauteur au niveau du boulevard Ornano, ce « franchissement » entraîne une coupure de l’espace urbain entre la place Pleyel et la gare du grand Paris express. Plus globalement, il crée une rupture Nord-Sud entre Paris et sa banlieue sur un axe identifié comme privilégié pour les mobilités actives au niveau régional.

Quelles solutions ?

Comme toujours, nous avons inclus nos propositions dans un « projet global alternatif » travaillé avec toutes les personnes mobilisées. Sans succès ou presque, puisque face à la levée générale de bouclier pendant l’enquête publique, Plaine commune s’est engagée à étudier la faisabilité d’une partie de nos demandes, sans nous inclure et sans aucun retour depuis pratiquement 1 an.

Pleyel à venir a dénoncé auprès des élus ce qui nous semble nuisible à travers les diverses enquêtes publiques qui ont eu lieu en participant en amont aux réunions d’informations publiques quand il y en a eu. Sur les Lumières de Pleyel et les projets immobiliers, nous n’avons reçu aucune réponse de la mairie suite à nos prises de paroles.

Les habitants, associations et collectifs ont déposé en août 2020 un recours juridique contre le projet. L’enquête publique sur la ZAC Pleyel a été confuse : elle ne permettait pas la compréhension des projets par le public et propose des infrastructures non sécurisées pour les cyclistes, génératrices de pollutions supplémentaires dans un quartier déjà saturé. Au vu des condamnations de l’Etat, qui est supposé agir pour réduire les pollutions de l’air, il nous a semblé opportun d’empêcher un nouveau projet polluant de voir le jour.

La Cour administrative d’appel s’est prononcée le 23 juin 2021 et a annulé la Déclaration d’Utilité Publique du FUP.  Tout en reconnaissant les illégalités soulevées par les associations requérantes, le juge ne va cependant pas au bout de son constat et s’abstient de statuer sur la déclaration de projets, alors qu’il y est légalement obligé. En conséquence, en dépit du fait que le FUP ne soit pas d’utilité publique et que son impact sanitaire soit reconnu comme problématique, les travaux vont pouvoir se poursuivre. Cette décision de justice ne respecte pas le droit lui-même et montre les contorsions auxquelles est réduite cette institution pour poursuivre des projets qui font pourtant consensus contre eux.

Collectifs et associations mobilisées sur ces questions : 

Pleyel à venir : pleyelavenir@gmail.com. Twitter : @PleyelaVenir.

Paris en Selle : presse@parisenselle.fr et plainecommune@parisenselle.fr. Twitter : @ParisEnSelle et @EnPlaine.

Vivre à Pleyel : vivreapleyel@gmail.com.

(2 commentaires)

  1. Belle et fragile victoire contre un projet trop cher et peu rentable pour la ville.
    on peut s’interroger sur le niveau de pollution généré par l’arrivée de dizaines de milliers de personnes concentrées sur un espace très limité, et pour la gare métro, RER, SNCF, ce sera des centaines de milliers.

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