échangeur A86 Fiche Pratique Saint-Denis

Fiche pratique 2/5 : La complétude de l’échangeur Pleyel de l’A86

Le quartier Pleyel de Saint-Denis va accueillir plusieurs projets, souvent liés aux JO, d'ici à 2024. L'information fournie par les institutions est confuse. Notre collectif de citoyens fait le clair dans ses fiches pratiques, dont voici le deuxième numéro, consacré à la complétude de l'échangeur de l'A86 en plein quartier Pleyel.

C’est quoi la complétude de l’échangeur A86 ? 

Le quartier Pleyel est traversé par l’A86 avec un échangeur présentant une entrée et une sortie qui permettent à ce jour de rejoindre l’A1 en traversant la ville via le boulevard Anatole France. L’Etat, la mairie et Plaine commune souhaitent compléter l’échangeur déjà existant dans le quartier Pleyel avec deux nouvelles bretelles d’entrée et de sortie. Il deviendra donc un ouvrage autoroutier avec trois bretelles de sorties et deux d’entrées, toutes reliées à l’A1 en continuant de traverser la ville via le boulevard Anatole France et la rue Saulnier (le long du futur centre aquatique olympique en face du Stade de France). Ce projet était conditionné à la fermeture des bretelles d’accès à l’autoroute A1 qui se trouvent Porte de Paris (fermeture reportée à un horizon postérieur aux JOP 2024).

organisation des circulations :

Aujourd’hui :                     Avec Échangeur complété :     

Source : p 491 de l’étude d’impact sur l’environnement de la création de la ZAC Pleyel et de la réalisation du franchissement urbain, document nommé “D1-PVE_EtudeImpactZACPleyeletFUP_2018

A savoir : 200 000 véhicules circulent quotidiennement sur l’A86 (mais également sur l’A1), dont 20 000 à 25 000 entreront et sortiront via cet échangeur à Pleyel, dixit l’étude d’impact de l’Enquête publique du Franchissement Urbain Pleyel. Ces voitures seront donc plus nombreuses mais également concentrées sur le seul carrefour de liaison Nord-Sud entre Paris et le reste de Saint-Denis et l’Ile-Saint-Denis.

Comment ce projet est vendu ? 

L’objectif est de fluidifier le trafic entre l’A1 et l’A86 en supprimant les trafics de passage entre les deux autoroutes au travers de Saint-Denis.

Un objectif assumé publiquement depuis peu est celui de faciliter l’accès aux infrastructures des JOP 2024 : du village olympique, où logent les athlètes, vers le stade de France ou le nouveau Centre Aquatique Olympique et inversement. 

Ce projet est également supposé améliorer les circulations des mobilités actives.

La communication institutionnelle parle d’un projet censé diminuer les pollutions.

Budget : 95 millions d’euros, finalement déboursés par la Solidéo (dont le financement est mi-privé, mi-public). 

Pourquoi il ne faut pas s’y tromper ?

Comme dit en introduction, les circulations autoroutières ne seront pas supprimées de l’espace urbain, il est même largement prévu de continuer d’utiliser Saint-Denis comme un échangeur A1-A86 comme le démontre l’installation de panneaux autoroutiers dans Saint-Denis, par exemple rue Saulnier, pour indiquer aux usagers les temps de trajets entre les différentes autoroutes franciliennes du secteur.

Concernant les mobilités actives, elles seront accotées à des voies de circulations à fort trafic allant jusqu’à 6 voies. Ça fait envie, non ? 


Pièce B, page 10 de l’enquête publique de l’échangeur (en jaune les pistes cyclables, en zoomant sur la base de la flèche “trottoir”, vous pourrez compter par vous-même ces 6 voies)

La “réorganisation” des circulations concentre en réalité sur ce secteur toutes les voitures en un même point, augmentant les congestions et de fait les concentrations de polluants.

La Dirif annonce pourtant des baisses de pollution. Comment expliquer ces chiffres ? C’est tout simplement qu’elle prend en compte deux facteurs hypothétiques à ce jour : 
– d’une part, elle compte sur la baisse des pollutions des véhicules liés aux progrès technologiques chez les constructeurs ;
– d’autre part, elle espère que 10 000 véhicules par jour qui circulent via la Porte de Paris se reporteront vers le barreau autoroutier de la Courneuve.

Lorsque l’on regarde dans le détail, le projet d’échangeur augmente bien les pollutions sur Pleyel – mais également sur d’autres quartiers de Saint-Denis, dont le Stade de France –  pour la plupart des polluants. Mais comme les ZFE et progrès technologiques “devraient” faire largement baisser les pollutions, les institutions considèrent que les risques liés au projet sont acceptables. Ils sont pourtant supérieurs aux seuils fixés par l’OMS après réalisation du projet d’échangeur. 

Concernant l’augmentation des espaces verts annoncés, ils seront morcellés, augmentant les îlots de chaleur et interdisant le développement de la biodiversité et d’une utilisation de ces espaces par les habitants. 

Le projet ajoute donc des pollutions de l’air, de bruit et même visuelle tout près d’habitations et d’un groupe scolaire qui accueille aujourd’hui 700 élèves. Au départ, elles devaient même supprimer des espaces verts vitaux (zone de relais primaire de biodiversité) dans un quartier déjà pollué plus de vingt fois au-delà des niveaux autorisés par l’OMS. (toujours dans l’étude d’impact du FUP décidément très instructive, page 522).

Comment lire ce tableau ?  Le seuil d’acceptabilité de la survenue de cancer selon l’OMS est de 10 puissance -5, soit 0,00001. C’est-à-dire une survenue de cancer pour 100 000 habitants. D’après le tableau présenté par Plaine Commune, le total attendu aux abords du groupe scolaire Anatole France est de 0,0002356, c’est à dire 23,56 survenues de cancer pour 100 000 habitants, en 2024 avec échangeur autoroutier complet à Pleyel. Nous sommes donc bien face à la multiplication d’un risque sanitaire. 

Le quartier compte aujourd’hui 9 000 habitants et de nombreuses familles. Sa population va doubler avec les projets immobiliers qui y poussent comme des champignons, notamment dans le cadre des JOP 2024. 

Quelles solutions ? 

Nous avons assisté et nous sommes exprimés à l’occasion des réunions d’informations publiques et de la consultation qui a suivi ; nous avons participé aux enquêtes publiques, en déposant des avis argumentés et en rencontrant les commissaires. Nous avons même organisé un débat public, ouvert à tous, en leur présence. 

Nous avons développé tout un projet alternatif avec des collectifs et associations d’autres quartiers et d’autres villes, n’empêchant pas l’échangeur d’être complété, mais proposant de le faire à distance de tout lieux de vie (plus de 100 mètres comme préconisé par les autorités sanitaires pour ce type de trafics), de couvrir à terme les ouvrages à proximité des habitations et de l’école avec des panneaux photovoltaïques et en développant les voies favorisant les mobilités douces. Ce projet a été expertisé mais rejeté par la Dirif, bien que “géométriquement faisable”.

En dépit de petites améliorations cosmétiques apportées au projet, obtenues au terme de discussions que nous avons prolongé et maintenu à bout de bras face à des institutions pressées de clore les débats, nous avons tout de même décidé d’attaquer en justice la décision du préfet de déclarer le projet d’utilité publique, prise en janvier 2020, et qui ouvrait la voie aux travaux.

Mardi 5 mai 2020, la Cour administrative d’appel de Paris a décidé de suspendre les travaux de ce projet, relevant une “irrégularité de la concertation du public” et une “erreur manifeste d’appréciation” des conséquences sanitaires du projet, de son “impact sur la dégradation de la qualité de l’air”.

La justice administrative a statué en octobre 2020 sur le fond du projet et a finalement rejeté notre recours, tout en reconnaissant que la “violation [de certaines] dispositions” dans la concertation et que le projet aura des conséquences sanitaires négatives. Ce n’était visiblement pas suffisant pour annuler le projet. Nous avons décidé de poursuivre notre action juridique au Conseil d’Etat. 

Les travaux ont donc commencé : on peut se rendre compte sur ces photos prises par un habitant de l’extrême proximité des futurs voies avec le groupe scolaire Anatole France :

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